mardi 1 septembre 2009

1 - La chute

Tout va bien, cet été de 2006. Je pars avec la femme que j'aime (encore aujourd'hui avec le recul je sais que mon amour était bien sincère envers elle et ce, même après séparation mais j'y reviendrai).

Depuis quelques semaines je la sens distante. Rien de bien surprenant quand on est en couple. Les femmes et nous aussi avons nos phases !

La veille du départ au Maroc, avant de me coucher, je me dis que je vais la masser pour la détendre, et pour la première fois de ma vie, je n'ai pas envie. Je trouve ça étrange mais je me force. (premier sentiment de ne plus aimer la personne avec qui je suis et plus généralement première manifestation d'absence d'envie).

Le matin, la voiture est prête. Nous partons. Plus je descends dans le sud de la France, sans me rendre compte plus je descends en enfer. J'allais dans la soirée vivre un extrait du cauchemar éveillé qui m'attendait.

J'arrive face à la mer. Je ne ressens rien. Rien? Les pieds dans l'eau. Le vent sur mon visage. Le soleil. Pour un être humain, de manière générale, même si c'est pas le paradis, l'extase, l'orgasme ultime...on se sent apaisé surtout après une journée de bagnole. (deuxième manifestation d'absence d'émotion)

 Ma copine ne me trouve pas très sympa. Je n'ai pas faim. Je suis fatigué. Je décide d'aller sur la banquette arrière de la voiture pendant qu'elle dîne avec des amis.

Je ne sais pas pourquoi, je m'effondre. Je pleure, j'ai peur. Je me replie sur moi-même comme un foetus. Je sais qu'au fond de moi que je ne l'aime plus (certitude réelle à l'esprit conséquence de la dépression ) et ça m'angoisse.

Comment lui dire? Pourquoi ce changement d'amour si soudain? Pourquoi je ne l'aime plus ? Les deux semaines de vacances à se reposer vont devenir deux semaines de vacances à faire semblant de l'aimer. Je m'en sens incapable. Mes forces me quittent. Mes espoirs aussi. Je suis un monstre, je lui ai dit que je l'aimais il y'a deux jours. Elle va me traiter de menteur. Elle que j'aime plus que tout. Mon bonheur comme je l'appelle.

Voilà les symptômes réels des premières manifestations de ma dépression (à l'arrière d'une voiture s'il vous plaît)

L'absence de sentiments sans raisons (apparentes)
La peur de soi.
Le jugement de soi en boucle dans la tête comme un mauvais tube de l'été.
Les pleurs.
Les angoisses (tremblements, mal au bide comme à un oral examen ou un premier jour de taf)
La projection négative dans le futur proche et lointain avec la même phrase : "J'y arriverai pas. Je tiendrai pas."

Fouille systématique dans le passé pour savoir "Pourquoi. Pourquoi et putin Pourquoi??!!"


Avec le recul, je sais qu'à l'époque, je l'aimais toujours. Ce n'était "que" le voile de la dépression qui cache la vérité même de ce qu'on est. Qui fait partir concrètement la personne que l'on est. J'allais laisser la place à une autre personne. Faible, pas ambitieuse, négative, inintéressante. Ce n'était pas moi. Mon corps oui. Mais pas mon esprit.

J'étais bien parti en vacances. Mais pas à l'endroit où j'avais prévu et pour plus longtemps que prévu.

Je rappelle à chaque fin d'épisode que la fin de cette histoire est belle. Le futur est aujourd'hui serein même avec son lot d'incertitudes. Le passé clean et le présent épanoui.

Peu importe que tu sois avant, pendant ou après ta chute. Demain, je te le promet. ça ira mieux. J'en suis l'exemple vivant.

Enfin j'aime beaucoup les expressions qui s'inspirent de la planète (dont l'équilibre s'est fait grâce avant tout au facteur temps. Pourquoi il en serait différent pour nous les habitants.) :


"Au dessus des nuages, même les plus gris et épais, le soleil est là."

7 commentaires:

  1. Très intéressant témoignage ! J'espère que tu vas continuer de publier des billets. J'ai, moi aussi (comme tout le monde, je pense), traversé une période difficile il y a un an (mais sans médicaments et avec un déclencheur fort) et je me retrouve dans tes écrits.
    Continue !

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  2. ça fait beaucoup de bien de vous lire. je suis au fond du trou depuis 1 mois, apres une periode pro de 3 ans terrible. il y a un mois j'ai pris des resolutions, reorganisé, je travaille moins, je me repose, m'impose une petite sieste apres le repas de midi, mais je me sens toujours aussi faible, avec mes 10kgs en moins, et a partir de 16h je suis lessivé et angoissé, le calme revient un peu le soir, en famille.ça rassure un peu de voir qu'en se battant, d'autres avant en sont sorti. je demarre un traitement, prozac, en esperant que ça va m'aider, mais je sais que ça ne fait pas tout, alors j'essaye de parler. ma plus grosse angoisse va vous faire sourire: je "souffre" de troubles intestinaux, pas de douleurs, mais des diarrhées, et du coup, malgré une biologie normale, j'ai encore du mal a croire que c'est une depression qui m'a fait maigrir et me cause ces symptomes de faiblesses, hypotension et digestif. aviez vous ce genre de symptomes?
    recevez mon admiration et mes remerciements

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  3. ces symptômes peuvent être ceux d'une dépression en effet, le diagnostique ne peut se faire que par un professionnel "intelligent" et pas "systématique" (distribution de médicament immédiate et je suis tombé dessus... je sais de quoi je parle.)

    Les médicaments m'ont beaucoup aidé. Mais peuvent constiper (la Paroxétine). Le premier combat passe par la parole. J'ai compris qu'en sortant les choses de soi (parole, mot, écrits) on les faisait exister en nous même (mal être les heures / jour suivants ) et avec le temps(en jours, en semaine, en mois) on les digère. C'est là que réside le combat. J'y suis arrivé oui, mais pas seul, Les mots ne résonnent que dans une écoute celle des autres mais aussi la vôtre.

    Avoir pris cette résolution de repos est une vraie étape vers la guérison croyez moi.

    Une analogie est très révélatrice des angoisses. C'est comme une montagne. Elle est Franchissable tout dépend de quel côté on l'attaque.

    N'hésitez pas à continuer à m'écrire.

    Bien à vous. Le bohneur c'est tout à l'heure :)

    Le temps n'est pas un ennemi. Bien au contraire.

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    1. Bonjour,
      votre témoignage date un peu, mais il m'a fait beaucoup de bien... Je vis actuellement dans ce gouffre et perd un peu plus espoir chaque jours, apres maintenant 9 mois de traitement medicamenteux et aucune amélioration.
      Pourriez vous nous expliquer ce qui vous a aidé à vous en sortir, que s'est-il passé? Je ne trouve nul part le récit de votre retour au bonheur.. jespere pouvoir vous lire prochainement et vous remercie pour vos mots si touchants.

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  4. en fait, les langues se delient autour de moi, et mes proches me disent que depuis juin ils tentaient de m'alerter, me voyant de plus en plus triste, baillant a longueur de journée, m'angoissant pour des bricoles...mais je n'ai pas entendu, ou pas écouté. j'ai bien conscience que les medicaments ne font pas tout, j'ai la chance d'avoir une ou deux personnes a qui je peux parler librement, plusieurs fois par semaine si necessaire. a chaque fois, juste apres, je me sens si bien, mais ça ne dure pas, quelques minutes, ou quelques heures. 8 jours que je prenais l'anxiolitique le soir, et la je prends une gellule de prozac par jour en plus, en esperant que je supporterai le tout sans trop d'effet secondaire (et oui, encore les angoisses, cela va t'il aggraver mes symptomes digestifs). ce qui pese le plus, c'est de ne pas avoir les forces pour faire de petite choses en famille, ça aiderait mais jusque la a chaque fois c'est un calvaire. demain matin, nous devons aller faire un petit tour, sur un golf que j'affectionnai particulierement avant, j'espere que je serai a la hauteur, 1 heure de practice, avec eux, ce serait déja bien.
    le temps n'est pas un ennemi, c'est rassurant, c'est desormais une de mes devises, remonter tout doucement, a force de repos, de parole.
    merci

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  5. Bonsoir, c'est la troisième fois que je viens là. Lire tout ce que vous écrivez, cela fait du bien..
    Par contre je voulais savoir si la douleur était "constante", ou si elle variait un peu? Pour ma part, je profite autant que je peux d'un moment de repit, malgré la fatigue et l'anguoisse d'un condamné qui sent sa sentence proche.. C'est bizarre, mais à ce moment j'ai l'impression d'aller mieux, même si je sais que je vais replonger.. C'est comme les montagnes russes (je crois que je ne remonterai plus jamais dans ce genre de manège à l'avenir)
    Sinon, j'attends la suite de vos aventures - sans vouloir être cinique- parce que vos mots ont l'air d'avoir un effet réconfortant, ils résonnent dans ma tête et ça fait toujours une voix de plus que la mienne. Bien que nous ne soyons pas dans la même situation, je me demandais aussi comment vous supportiez la vie à ce moment là? J'ai un peu de mal à me dire que ce sera moi la principale actrice de ma guérison, vu que c'est moi seule qui me suis enfoncée. Surtout que ma prochaine consultation est lundi. Quand je l'ai su, je me suis dit "Mais comment je vais tenir jusqu'à lundi?!" .. Le plus dur c'est que lorsqu'on souffre plus rien n'a d'importance, et il ne suffit pas de se dire "ah je souffre" et point, on doit vivre avec..
    Est-ce que les gens autour de vous (à part votre femme) s'en rendait compte? Le cachiez vous?
    Enfin, ce n'est un forum ici, je vais m'arrêter là :)

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  6. pour ma part ma premiere visite chez un psy ce sera...le 29/10, pas de place avant. il me faudra trouver d'autres oreilles en attendant, et vivre chaque jour comme un defi

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