mardi 15 septembre 2009

2 - L'atterissage en plein sables mouvants

Ça y est je suis parti dans ma tête, où je ne sais pas encore, la seule chose sûre c'est que je ne suis plus là.

Je rentre en France après ma chute. Bizarrement passer les frontières espagnoles et revenir dans mon pays natal me font un bien fou, je retrouve des repères, un langage, une monnaie, des marques : Mon premier contact avec la France est une station service, j'achète un paquet de chips et remonte dans la voiture avec la femme qui partage ma vie... enfin... la vie de Fil à ce moment là.

Fil c'est moi. C'est moi et c'est lui. Fil a un passé avec cette femme mais en ce début de période de dépression il n'en a pas. Il doit vivre avec une inconnue qui le regarde comme l'homme de sa vie : une pression incroyable. Fil est un menteur à chaque fois qu'il lui dit qu'il l'aime pour la rassurer. Il ment comme il peut mais les femmes sentent très bien le mensonge peu importe Fil tente de sauver ce qui jusqu'à maintenant était sa vie.

Il la voit le conduire pour le ramener à la maison, pourqu'il voit un docteur, qu'il aille mieux en un mot : qu'il revienne. Parfois il voit ses larmes couler sur sa joue. Elle, puisant dont ne sait où une force inexplicable (ce serait donc ça l'amour) après 17 heures de route, tente de cacher ses larmes pour ne pas me les montrer, pour ne pas les montrer à Fil. A ce corps humain, aux yeux vides regardant le paysage défiler.

Chaque larme qui coulent sur ses joues me brulent le ventre. Je suis responsable. Je suis coupable de cet amour qu'elle a pour moi, je suis donc coupable de sa souffrance.

C'est à ce moment précis, que je comprends l'atroce pouvoir que j'ai sur elle malgré moi. Je l'aime. Je ne peux ni lui dire ni montrer. J'en suis incapable.  Mentir me fait souffrir, ne rien dire la fait souffrir et me fait souffrir encore plus.

Voilà un exemple parfait de mise en place d'un cercle vicieux qu'impose la dépression. Rappelez vous bien une chose, vous n'êtes pas coupable, ni responsable de cet état et encore moins des ses conséquences. Essayez de calmer le jeu, de parler,  émettre des mots même légers, de lancer des regards, des écrits pour rassurer votre entourage. J'espère que ces quelques mots pourront vous soulager. Moi ils m'ont fait un bien fou quand je les ai reçu.

Je ne lui ai jamais avouer mais j'ai failli sauter de la voiture en mouvement, tellement je voulais que ça s'arrête ou au moins que cette douleur impalpable est une raison physique d'exister. Je ne l'ai pas fait mais l'envie était réelle. Mes pensées se sont accélérées devenant incontrôlables. Moi ce garçon plein de vie qui a toujours su où il voulait aller, je voulais en finir à 80 km heures au milieu de nulle part.

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La douleur intense n'est pas physique pour ma part elle se situait au niveau du ventre. 
Concernant les pensées incontrôlables elles sont le fruit de 2 années de fatigue :
Mon emploi du temps de l'époque :
je me levais à 6h30, métro, boulot jusqu'à 14 heures, 
manger 14h30 15h, 
reboulot parfois jusqu'à 23 heures, vie de couple jusqu'à 2h du matin.
Pendant tout ce temps, j'ai énormément maigri. j'avais des céphalés en sortant du métro( mot de tête en rythme avec le cœur qui bat), des crises de larmes passagères, pas d'angoisse -pas encore-, je tombais constamment de sommeil.
J'ai compris plus tard que mon corps était en état de survie, il faisait abnégation de l'équilibre dont il avait besoin, il s'habituait au rythme que je lui imposais. Il a tenu 2 ans.
Mon premier jour de vacances. Mon corps a dit stop. (cf : la chute)
Les médecins appellent ça un Burn Out : Une sortie de route.
Je suis un créatif. Je construit ma vie dans chaque instant. Le Burn Out a inversé mon fonctionnement. Je suis devenu destructif, détruisant ma vie chaque instant.
Avec le recul ce rythme de vie est bien sûr stupide, mais je dormais tout mes week end. Avec ma femme je baisais beaucoup et bien. Tous mes sentiments étaient décuplés : L'amour, la colère. Les nerfs sont à fleur de peau. Je me rappelle même avoir jugé mes amis.Quel idiot. Mais j'ai bien l'impression que c'est dans la nature humaine de devoir se brûler pour apprendre. Je suis comme les autres.
Avec l'aide d'un traitement efficace qui calme l'esprit dont je parlerai plus tard, j'ai appris à vivre avec mon tempérament hyper actif, je m'impose du sommeil même pendant la journée, après manger par exemple et ce, peu importe si l'on me vire: je sens mieux, je me sens bien et ça pour un homme qui en a été privé : ça n'a pas de prix.

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Après 27 heures de route, nous rentrons. Je pousse la porte de notre appartement, là où notre amour est devenu concret, solide, réel. Je vais retrouver mes repères. Je passe le couloir d'entrée. J'arrive dans le salon. Je me retourne vers ma femme et lance sans même réfléchir : "Je ne reconnais pas cet endroit."

Atterrissage plus que réussi dans les sables mouvants.

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