samedi 19 septembre 2009

2bis - Une lettre pour expliquer

Voici le mail que j'ai envoyé à ma femme que je faisais également sombrer avec moi.




xxxxx, 

Tu dors encore et certainement très mal et j'en suis entièrement responsable. 

Depuis ce départ au Maroc je n'ai pas cessé un instant de penser à toi. 
Je n'ai pas compris ce qui s'est passé en moi, les gens m'ont dit une dépression, un craquage, une suite au surmenage, encore aujourd'hui je n'ai pas de réponse. Ce que je sais et ce dont je suis sûr c'est que j'ai toujours agi de façon sincère avec toi. Pourquoi? parce que tu es la première de mes préoccupations. J'ai tenté d'exprimer mes changements d'humeur pour éviter de te laisser dans l'incompréhension dans laquelle je suis plongé depuis maintenant 3 semaines. Je ne cherche pas à me déculpabiliser aucune connerie de ce genre mais te faire de la peine, est le premier de mes soucis, ça l'a toujours été. Tu as dis quelque chose d'extrêment juste ce matin, la personne que tu aimais n'existe plus parce que c'est vrai je n'existe plus. Je ne sais pas où je me trouve, ni comment faire, les choses me sont indifférentes et cela m'indiffère. C'est destabilisant dans les premiers temps et puis par dépit on s'y fait.


Mon monde s'écroule autour de moi et c'est comme si j'etais derrière une vitre que je voyais la vie de quelqu'un s'écrouler mais je vais tout faire pour que ça change. Mais je n'ai pas le droit de te faire trinquer avec moi. Je comprends les gens qui te conseillent, je ne me sens pas visé j'emmerde ma parano, je comprends qu'ils t'aiment.


Ces derniers temps, je me suis remis à écrire, mais je n'y ai éprouvé aucun plaisir, aucune envie réelle, aucune passion les choses sortent mais ne remplissent pas.

Je suis arrivé en retard ce matin au travail, je n'ai pas couru, 8h06 et après? Le monde a bien 6 minutes de retard à m'accorder.

Non je ne pense pas à moi, je pense à toi, à vous tous, à toutes ces choses qui avaient un sens dans ma vie ou plutôt qui donnaient du sens à ma vie ou encore qui donnaient du sens à la vie. 

xxxxxxx m'a dit que tout ça n'étaient que des concéquences, la cause crois-moi je la cherche de tout mon coeur. Je suis dans le brouillard c'est vrai. Mais je ne suis personne pour t'infliger ça et je comprends ta réaction de ce matin ( tu te dis super il me comprends mais je m'enfou je veux qu'il m'aime). 

Crois-moi j'aimerais que les choses se règlent avec un bon coup de pied au cul. Avec un peu d'humour je dirais que j'ai trouvé beaucoup de pieds mais que je ne sais pas où est mon cul. je le cherche, j'y crois, je ne cherche pas à fuir quoique ce soit. Je voulais te donner mon sentiment ce matin. Tout est incompréhensible. Je rentre vite pour être auprès de toi. je t'embrasse.

Fil - xx/xx/2006

mardi 15 septembre 2009

2 - L'atterissage en plein sables mouvants

Ça y est je suis parti dans ma tête, où je ne sais pas encore, la seule chose sûre c'est que je ne suis plus là.

Je rentre en France après ma chute. Bizarrement passer les frontières espagnoles et revenir dans mon pays natal me font un bien fou, je retrouve des repères, un langage, une monnaie, des marques : Mon premier contact avec la France est une station service, j'achète un paquet de chips et remonte dans la voiture avec la femme qui partage ma vie... enfin... la vie de Fil à ce moment là.

Fil c'est moi. C'est moi et c'est lui. Fil a un passé avec cette femme mais en ce début de période de dépression il n'en a pas. Il doit vivre avec une inconnue qui le regarde comme l'homme de sa vie : une pression incroyable. Fil est un menteur à chaque fois qu'il lui dit qu'il l'aime pour la rassurer. Il ment comme il peut mais les femmes sentent très bien le mensonge peu importe Fil tente de sauver ce qui jusqu'à maintenant était sa vie.

Il la voit le conduire pour le ramener à la maison, pourqu'il voit un docteur, qu'il aille mieux en un mot : qu'il revienne. Parfois il voit ses larmes couler sur sa joue. Elle, puisant dont ne sait où une force inexplicable (ce serait donc ça l'amour) après 17 heures de route, tente de cacher ses larmes pour ne pas me les montrer, pour ne pas les montrer à Fil. A ce corps humain, aux yeux vides regardant le paysage défiler.

Chaque larme qui coulent sur ses joues me brulent le ventre. Je suis responsable. Je suis coupable de cet amour qu'elle a pour moi, je suis donc coupable de sa souffrance.

C'est à ce moment précis, que je comprends l'atroce pouvoir que j'ai sur elle malgré moi. Je l'aime. Je ne peux ni lui dire ni montrer. J'en suis incapable.  Mentir me fait souffrir, ne rien dire la fait souffrir et me fait souffrir encore plus.

Voilà un exemple parfait de mise en place d'un cercle vicieux qu'impose la dépression. Rappelez vous bien une chose, vous n'êtes pas coupable, ni responsable de cet état et encore moins des ses conséquences. Essayez de calmer le jeu, de parler,  émettre des mots même légers, de lancer des regards, des écrits pour rassurer votre entourage. J'espère que ces quelques mots pourront vous soulager. Moi ils m'ont fait un bien fou quand je les ai reçu.

Je ne lui ai jamais avouer mais j'ai failli sauter de la voiture en mouvement, tellement je voulais que ça s'arrête ou au moins que cette douleur impalpable est une raison physique d'exister. Je ne l'ai pas fait mais l'envie était réelle. Mes pensées se sont accélérées devenant incontrôlables. Moi ce garçon plein de vie qui a toujours su où il voulait aller, je voulais en finir à 80 km heures au milieu de nulle part.

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La douleur intense n'est pas physique pour ma part elle se situait au niveau du ventre. 
Concernant les pensées incontrôlables elles sont le fruit de 2 années de fatigue :
Mon emploi du temps de l'époque :
je me levais à 6h30, métro, boulot jusqu'à 14 heures, 
manger 14h30 15h, 
reboulot parfois jusqu'à 23 heures, vie de couple jusqu'à 2h du matin.
Pendant tout ce temps, j'ai énormément maigri. j'avais des céphalés en sortant du métro( mot de tête en rythme avec le cœur qui bat), des crises de larmes passagères, pas d'angoisse -pas encore-, je tombais constamment de sommeil.
J'ai compris plus tard que mon corps était en état de survie, il faisait abnégation de l'équilibre dont il avait besoin, il s'habituait au rythme que je lui imposais. Il a tenu 2 ans.
Mon premier jour de vacances. Mon corps a dit stop. (cf : la chute)
Les médecins appellent ça un Burn Out : Une sortie de route.
Je suis un créatif. Je construit ma vie dans chaque instant. Le Burn Out a inversé mon fonctionnement. Je suis devenu destructif, détruisant ma vie chaque instant.
Avec le recul ce rythme de vie est bien sûr stupide, mais je dormais tout mes week end. Avec ma femme je baisais beaucoup et bien. Tous mes sentiments étaient décuplés : L'amour, la colère. Les nerfs sont à fleur de peau. Je me rappelle même avoir jugé mes amis.Quel idiot. Mais j'ai bien l'impression que c'est dans la nature humaine de devoir se brûler pour apprendre. Je suis comme les autres.
Avec l'aide d'un traitement efficace qui calme l'esprit dont je parlerai plus tard, j'ai appris à vivre avec mon tempérament hyper actif, je m'impose du sommeil même pendant la journée, après manger par exemple et ce, peu importe si l'on me vire: je sens mieux, je me sens bien et ça pour un homme qui en a été privé : ça n'a pas de prix.

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Après 27 heures de route, nous rentrons. Je pousse la porte de notre appartement, là où notre amour est devenu concret, solide, réel. Je vais retrouver mes repères. Je passe le couloir d'entrée. J'arrive dans le salon. Je me retourne vers ma femme et lance sans même réfléchir : "Je ne reconnais pas cet endroit."

Atterrissage plus que réussi dans les sables mouvants.

mardi 1 septembre 2009

1 - La chute

Tout va bien, cet été de 2006. Je pars avec la femme que j'aime (encore aujourd'hui avec le recul je sais que mon amour était bien sincère envers elle et ce, même après séparation mais j'y reviendrai).

Depuis quelques semaines je la sens distante. Rien de bien surprenant quand on est en couple. Les femmes et nous aussi avons nos phases !

La veille du départ au Maroc, avant de me coucher, je me dis que je vais la masser pour la détendre, et pour la première fois de ma vie, je n'ai pas envie. Je trouve ça étrange mais je me force. (premier sentiment de ne plus aimer la personne avec qui je suis et plus généralement première manifestation d'absence d'envie).

Le matin, la voiture est prête. Nous partons. Plus je descends dans le sud de la France, sans me rendre compte plus je descends en enfer. J'allais dans la soirée vivre un extrait du cauchemar éveillé qui m'attendait.

J'arrive face à la mer. Je ne ressens rien. Rien? Les pieds dans l'eau. Le vent sur mon visage. Le soleil. Pour un être humain, de manière générale, même si c'est pas le paradis, l'extase, l'orgasme ultime...on se sent apaisé surtout après une journée de bagnole. (deuxième manifestation d'absence d'émotion)

 Ma copine ne me trouve pas très sympa. Je n'ai pas faim. Je suis fatigué. Je décide d'aller sur la banquette arrière de la voiture pendant qu'elle dîne avec des amis.

Je ne sais pas pourquoi, je m'effondre. Je pleure, j'ai peur. Je me replie sur moi-même comme un foetus. Je sais qu'au fond de moi que je ne l'aime plus (certitude réelle à l'esprit conséquence de la dépression ) et ça m'angoisse.

Comment lui dire? Pourquoi ce changement d'amour si soudain? Pourquoi je ne l'aime plus ? Les deux semaines de vacances à se reposer vont devenir deux semaines de vacances à faire semblant de l'aimer. Je m'en sens incapable. Mes forces me quittent. Mes espoirs aussi. Je suis un monstre, je lui ai dit que je l'aimais il y'a deux jours. Elle va me traiter de menteur. Elle que j'aime plus que tout. Mon bonheur comme je l'appelle.

Voilà les symptômes réels des premières manifestations de ma dépression (à l'arrière d'une voiture s'il vous plaît)

L'absence de sentiments sans raisons (apparentes)
La peur de soi.
Le jugement de soi en boucle dans la tête comme un mauvais tube de l'été.
Les pleurs.
Les angoisses (tremblements, mal au bide comme à un oral examen ou un premier jour de taf)
La projection négative dans le futur proche et lointain avec la même phrase : "J'y arriverai pas. Je tiendrai pas."

Fouille systématique dans le passé pour savoir "Pourquoi. Pourquoi et putin Pourquoi??!!"


Avec le recul, je sais qu'à l'époque, je l'aimais toujours. Ce n'était "que" le voile de la dépression qui cache la vérité même de ce qu'on est. Qui fait partir concrètement la personne que l'on est. J'allais laisser la place à une autre personne. Faible, pas ambitieuse, négative, inintéressante. Ce n'était pas moi. Mon corps oui. Mais pas mon esprit.

J'étais bien parti en vacances. Mais pas à l'endroit où j'avais prévu et pour plus longtemps que prévu.

Je rappelle à chaque fin d'épisode que la fin de cette histoire est belle. Le futur est aujourd'hui serein même avec son lot d'incertitudes. Le passé clean et le présent épanoui.

Peu importe que tu sois avant, pendant ou après ta chute. Demain, je te le promet. ça ira mieux. J'en suis l'exemple vivant.

Enfin j'aime beaucoup les expressions qui s'inspirent de la planète (dont l'équilibre s'est fait grâce avant tout au facteur temps. Pourquoi il en serait différent pour nous les habitants.) :


"Au dessus des nuages, même les plus gris et épais, le soleil est là."